Dans quatre semaines exactement, c’est mon anniversaire. C’est toujours une date compliquée à gérer pour moi mais l’appréhension habituelle s’amplifie maintenant que je sens approcher doucement la quarantaine.
Le souci, ce n’est pas d’avoir trente-huit, quarante ou cinquante ans, ni de vieillir de façon générale. Certains voudraient nous faire croire que les femmes se fanent ou perdent de leur fraicheur au-delà de la vingtaine mais je ne me sens pas concernée. Déjà, de base, parce que je suis une femme justement, pas une fleur ou un yogourt avec une date de péremption sur le front. En plus, je dois reconnaître que le temps qui passe adoucit un peu mon rapport au corps. Comme si, justement, l’éloignement progressif de la tranche d’âge où la pression d’être belle/séduisante/mince/désirable est la plus forte me libérait petit à petit du chagrin de n’être rien de tout ça. En ça, vieillir est une promesse assez intéressante.
Tic tact tic tac tic tac
Non, ma crise existentielle pré-anniversaire n’est pas liée à la peur des rides ou des rhumatismes mais à celle de voir passer le temps sans avoir encore trouvé une bonne raison d’être là. Mon truc. Ma voie. La circonstance ou le chemin qui fera que ma vie n’aura pas été vaine et insignifiante. Et comme je n’ai pas encore trouvé, mon horloge interne décide de me mettre la pression à chaque mois de mai.
… tic tac tic tac… Tu n’auras pas assez de temps… tic tac tic tac… tu n’as encore rien fait de ta vie… tic tac tic tac… que vas-tu laisser si tu meurs demain?… tic tac tic tac… vite, vite, le temps presse… tic tac tic tac… chaque année, tu as moins de temps… tic tac tic
Pourtant, je ne trouve pas que je sois si difficile! Je ne vise pas le prix Nobel, un mandat diplomatique ou politique, pas de couronne de miss monde ni de Concours Reine Elisabeth, pas de Jeux Olympiques non plus ni même de poste de CEO d’une grosse banque. Tout ce que je voudrais, c’est m’accomplir dans un truc quelconque, n’importe quoi.
La maternité?
Il y a quelques années, lassée de n’avoir encore rien accompli, je me suis dit que je n’avais qu’à reporter toute cette énergie vers mes enfants, ces deux êtres délicieusement parfaits avec la vie devant elles. Ca pouvait être une solution acceptable: si mes enfants deviennent des personnes extraordinaires, je pourrais me féliciter de les avoir portées, élevées, d’avoir contribué à leur succès et je pourrais arrêter cette chasse au trésor maudite.
J’ai même cru pendant un temps que ce serait une solution acceptable.
Alors que non, absolument pas. Devenir une mère sacrificielle qui s’oublie ne m’aidera en rien. Quand ces enfants deviendront des adultes indépendantes, vers quoi vais-je porter mon énergie? Vers d’hypothétiques petits enfants que j’attendrai comme le messie? Un peu contradictoire avec ma volonté d’élever des femmes libres de toutes les chaînes que la société voudra leur imposer. Etre une mère qui s’efface volontairement ne les aidera en rien non plus. Quel poids ça doit être de grandir en portant la responsabilité d’accomplir les rêves par procuration d’une mère qui n’a pas su trouver les siens.
Lâcher prise
Alors me voilà à nouveau, à un mois de mon anniversaire, sans aucune idée de ce qu’est mon truc, ma voie, ce que je dois faire pour ne pas être venue jusqu’ici pour rien. J’essaie de me dire que c’est pas grave, que des tas de grandes femmes se sont réalisées dans la deuxième moitié de leur vie, que je ne peux que continuer à faire de mon mieux jusqu’à ce qu’une forme cohérente apparaisse dans l’embrouillaminis qu’est ma vie. En attendant, j’essaie de lâcher-prise, de rendre cette vie la plus jolie possible pour moi et pour ceux qui m’entourent. A défaut d’accomplir quelque chose d’important, je peux au moins donner du sens au quotidien. Peut-être que c’est tout simplement comme ça que je me distinguerai, qui sait…
