Ca fait des semaines que cette question rebondit dans ma tête. Je pense qu’elle était déjà là depuis un petit temps mais la lecture de « Sorcières » de Mona Chollet, qui aborde notamment la question de la maternité et du féminisme a continué à semer les graines du questionnement dans mon esprit.
Ce qui est comique, c’est que je ne suis pas la seule à avoir réfléchi à ces questions ces derniers jours. En début de semaine, c’est mon amie SoFille qui expliquait pourquoi elle ne souhaite absolument pas avoir d’enfants. Quelques jours plus tard, c’est Egalimère qui se demandait si c’est compliqué d’être mère et féministe. C’est le signe que cette question taraude toutes celles qui cherchent comment articuler (non-)maternité et féminisme. Pour ma part, j’ai choisi de l’aborder sous trois angles différents
Peut-on être féministe et éduquer ses enfants à l’être aussi?
Cette question-là est celle à laquelle je peux répondre le plus facilement. Non seulement c’est possible mais ça me semble être une obligation morale, qu’on ait des filles ou des garçons d’ailleurs. Vous trouvez que j’exagère? Plus personne ne conteste la nécessité d’éduquer nos marmots à la citoyenneté ou aux enjeux environnementaux alors pourquoi les notions d’égalité en droits, de consentement ou encore de respect ne devraient-ils pas être appris à tous depuis le plus jeune âge?
Mais ce n’est pourtant pas si évident. Elever des enfants – des filles dans mon cas – dans une optique féministe et inclusive, c’est faisable et super stimulant mais ça demande une énergie et une volonté constante, quand on sait ce que ça représente au quotidien. Encourager à explorer activités et amitiés sans tenir compte de ce qu’on attend d’elles. Leur donner des lectures avec des personnages féminins forts et captivants. Etre attentive à la façon dont je parle de mon corps et à la façon dont elles parlent du leur. Féminiser les explications et les métiers. Les reprendre quand elles se diminuent ou se mettent dans des cases « parce qu’elles sont filles ». Et aussi, en étant moi-même un exemple, en cherchant à être la plus libre et la plus indépendante possible.
Et c’est là que le bât blesse.
Peut-on être féministe alors qu’on est déjà mère?
La question n’est pas la même… il ne s’agit pas de ce qu’on transmet mais de ce nous sommes. Peut-on être libre et indépendante tout en étant mère nourricière? Peut-on revendiquer l’égalité et l’autonomie en tant que femme et vivre la plus grande expérience d’asservissement volontaire? Et là, franchement, je coince. Et je suis tentée de répondre que non. Non, il me ne semble pas possible d’être à la fois dans une démarche de liberté, de réflexion, de développement personnel tout en ayant des enfants à élever. Parce que dans la société dans laquelle on vit, tout est fait pour que ce soit incompatible.
Alors qu’on a fait des avancées terribles dans bien des domaines, tout ce qui touche à la maternité est resté bloqué dans un passé très lointain. En tant que femmes, parce que nous possédons un utérus, nous restons condamnées à avoir des enfants (ou condamnées à subir les reproches et la culpabilité si ce n’est pas le cas), à les élever, à porter la charge mentale, à nous en occuper seules si le conjoint est un irresponsable,… Et dans le même laps de temps, rien n’est fait pour permettre que cette maternité soit gérable avec les vies que nous devons ou avons envie de mener: passages express en maternité, congés de paternité microscopiques, galères pour inscrire les marmots en crèche, patrons qui soufflent à la énième gastro, écoles qui finissent à 15h,… (Y en a un peu plus, je vous le mets?).
C’est comme si c’était fait exprès! Vous voulez l’égalité? On va vous en donner de l’égalité. Mais on va aussi vous charger de tout le reste. Pour que vous n’ayez ni l’envie ni l’énergie de vouloir plus. Ce qui explique peut-être pourquoi de plus en plus de (jeunes) femmes choisissent de ne pas avoir d’enfants. Parce qu’elles savent ce qui se cache derrière l’écran de fumée « C’est que du bonheur« . Et qu’elles ont envie d’autre chose.
Peut-on être mère si on est féministe?
Cette question ne me concerne plus. Je suis heureuse d’avoir eu des enfants il y a dix ans, à un moment de ma vie qui se situe à mille milliards de kilomètres de ce que je suis aujourd’hui. Et je suis consciente d’avoir eu des enfants dans de très bonnes conditions, avec un papa qui a toujours pris plus que sa part dans l’organisation familiale. Mais aujourd’hui, je n’ai aucun argument pour expliquer à une jeune femme pourquoi elle serait épanouie en ayant des enfants.
Je pourrais leur dire que la rencontre avec un enfant est fabuleuse. Que les voir grandir et voir leur personnalité s’affirmer est génial. Que c’est une relation et une sorte d’amour différents. Je peux dire tout ça – et bien plus – parce que c’est vraiment ce que je ressens au sujet de mes filles. (Et aussi parce que je les ai en garde alternée). Je les aime profondément, mais je hais la maternité telle qu’on nous l’impose. Et ça aussi je devrais le dire, au risque de confirmer ce que beaucoup de ces femmes savent déjà.
Pour ma part, être mère et me revendiquer féministe est un défi supplémentaire. Mes enfants grandissent et c’est le moment idéal pour continuer à les sensibiliser à la place qu’elles occupent dans la société mais aussi à leur faire prendre conscience de la mienne, de place. Elles peuvent savoir que je ne suis pas que une mère de famille. Que, en tant que femme, ma vie est faite d’elles et de tas d’autres choses. Et que je peux les aimer et revendiquer mon droit à m’épanouir pour moi-même et pas seulement à travers elles.

Alors déjà merci parce que, grâce à toi, je viens de découvrir So Fille et son article sur son désir de ne pas avoir d’enfant.
Un autre merci pour ton article qui m’amène à me poser d’autres questions sur la maternité et le féminisme au travers des différents points que tu as cités.
Un article qui mérite d’être lu et partagé.
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Ho, je suis RAVIE de t’avoir fait découvrir SoFille. Et je suis touchée que ce blogpost t’ait plu. Merci.
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Tu veux bien, s’il te plait, arrêter d’écrire des choses qui semblent si justes, si vraies? Qui induisent des réflexions riches et intéressantes? Qui remettent toujours plein de choses en question?
Pour mon équilibre psychologique, hein, ce serait merveilleux.
HAHAHA
Non, sans rire, merci de mettre en mots ces pensées qui méritent tellement d’être questionnées et débattues. Et de nous voir que « oui, vous l’avez, l’égalité », mais peut-être pas tant que ça 😉
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Mwahahahaha 😂
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